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ZOOM MONTAGE DOCU-CINEMA
18 juillet 2014

La vie rêvée des "nés sous x" sur Twitter

 

Appelons cette personne "x", soit "@x" sur Twitter... Twitter est un nouveau monde que je pratique depuis un an, à croiser, ici et là, des gens de la même communauté que moi, des gens souvent plus jeunes que moi de la communauté des gens de cinéma, des cinéphiles, des bloggeurs, des journalistes, des acteurs ou des réalisateurs et même quelques personnalités dont la plus sympathique est sans doute Bill Murray qui envoie à ses "suiveurs", plusieurs fois par semaine, des pensées très drôles sous forme de mini-messages de moins de cent quarante caractères. Dans ce maelström de "comptes" Twitter avec "profils" divers plus ou moins fantasmés (n'est-on pas sur Twitter celui ou celle que l'on rêverait d'être ?), "comptes" que l'on peut "suivre" en espérant être "suivi" par ceux que l'on "suit" - réciprocité tacite requise pour les "pas célèbres" comme moi, il y a de nombreux "comptes" tenus par des personnes qui se réfugient derrière des "pseudos" souvent fantaisistes, les "nés sous x" de mon titre. Quand il s'est agi pour moi d'ouvrir un "compte" Twitter, je n'ai pas douté une seconde et j'ai mis mon vrai prénom et mon vrai nom, même si cela surprend ceux qui ne me connaissent pas de me voir affublé d'un nom pareil pour quelqu'un qui "est dans le cinéma" ("Filmon", ce n'est pas un "pseudo" ? Non, non, ce n'est pas un "pseudo", c'est le nom de mon père, de mon grand-père et de toute ma famille à Saumur).

 Donc "@x" est quelqu'un qui me suit depuis quelques mois en réagissant favorablement à telle ou telle nouvelle, conseil ou pensée que je partage sur Twitter, ou bien en ne réagissant pas, comme font la majorité. Il faut dire qu'il y a de tout sur Twitter, des photos de chats, de paysages, d'acteurs morts ou plutôt d'actrices et beaucoup d'avis sur tout et n'importe quoi, surtout sur l'actualité (l'actualité des pays dont vous comprenez la langue). Twitter, c'est le diktat de l'actualité. Mais on peut aussi en faire ce que l'on veut après tout, si l'objectif n'est pas d'être suivi par un maximum d'amis virtuels. C'est sur Twitter que j'ai eu la chance qu'on me conseille de lire Harry Crews par exemple. Merci "droit du cinéma" (tiens encore un "pseudo").

 En commençant ce deuxième "post de blog" censé suivre mes affres créatifs au cours du montage de mon documentaire sur Vilmos Zsigmond, je m'étais promis de ne pas être trop long et voilà que c'est déjà trop tard. Je m'emballe. Je viens de terminer l'autobiographie d'Harry Crews et frappé par sa puissance d'évocation aussi bien sur la longue scène de la mise à mort d'un cochon de ferme que sur le suicide dont il a été témoin enfant dans une boucherie où il venait juste de commencer à travailler, suicide d'un pauvre homme qui y a fait irruption à la recherche d'un large couteau de boucher qu'il s'est appliqué à s'enfoncer peu à peu dans la poitrine au niveau du coeur, tout en entretenant avec le garçon tétanisé une conversation où le suicidaire affirme que c'est la seule solution pour lui, que cela fait du bien et qu'il ne faut pas que lui, l'enfant (l'auteur), pense qu'il est coupable de quoi que ce soit à ce sujet, avant de s'effondrer dans un bain de sang, aussi bien quand l'auteur raconte qu'enfant encore, il a été ébouillanté sur tout le corps à près de 70% quelques semaines seulement après être sorti d'une paralysie des jambes qui l'a maintenu au lit plusieurs mois... frappé par cette puissance d'évocation inouïe, j'ai la faiblesse de croire que je peux me mesurer amicalement avec cette prose qui semble jetée, répétitive alors qu'elle est tout simplement unique, superbe. Harry Crews ? Une révélation. Avant d'entamer son roman "le chanteur de gospel", je tiens à raconter mon histoire avec "@x". Si j'y arrive. Mon hésitation à l'écrire est égale à celle qui me travaille depuis cette mésaventure. Puis-je ou non écrire cette histoire ? Dois-je ou non le faire ?...

 "@x" semblait suivre de loin avec intérêt mes projets avec Vilmos Zsigmond, rétrospective d'abord de vingt de ses films au Grand Action en mai dernier, tournage du documentaire que je lui consacre, et bientôt montage. Au point de m'envoyer récemment un message privé - lisible par moi seul donc, où "@x" me demande si je n'ai pas besoin de quelqu'un pour assister le montage. D'un coup, je ressens une attirance subite pour un contact virtuel qui demande à devenir réel. Ce qui m'était déjà arrivé, c'était de me rapprocher, grâce à une conversation Twitter, de quelqu'un que j'identifiais mais que je ne connaissais pas personnellement par ailleurs. Ou bien de me trouver par hasard (dans la vie réelle) en présence de quelqu'un qui me dit "ah c'est vous Pierre Filmon, je vous suis sur Twitter". Mais qu'un "@pseudo" me propose de le rencontrer, jamais... Je réfléchis et je réponds que ce qui me serait bien utile, ce serait quelqu'un qui accepte de faire le travail ingrat de la transcription des interviews. La transcription, c'est l'opération qui consiste à transcrire par écrit l'intégralité d'une interview, facilitant ainsi le travail, au montage, du réalisateur qui bénéficie d'une vision globale de la matière textuelle d'une interview. "@x" me répond accepter de faire la transcription pour les interviews en anglais de Vilmos Zsigmond, John Boorman et Jerry Schatzberg. Enthousiaste, je propose à "@x" de nous voir pour que je puisse lui transmettre une clé USB avec les interviews non montées mais synchronisées. Je finis par lui demander, "votre prénom, c'est ?...". Je préfère appeler les gens par leur prénom quand un contact s'établit. Je trouve cela plus humain et d'un coup moins formel. Ton prénom a été choisi par tes parents, dans le meilleur des cas avec amour, ton nom vient d'ailleurs. "@x" ne me dit pas son prénom mais son adresse mail me le fournit. Rendez-vous est pris. Autour de moi, on me met en garde contre la naïveté qui consiste à donner accès à quelqu'un que je ne connais pas et dont je ne connais pas le nom, à des éléments aussi précieux qui pourraient se retrouver copiés et diffusés abusivement. Je parle à "@x" de l'idée de lui faire signer un papier de confidentialité. "@x" accepte.

 A l'heure dite, je vois s'approcher "@x", une jeune femme d'une trentaine d'années qui me tend une main amicale. Au café, la conversation s'engage mais je sens une tension de son côté que je m'efforce de calmer en m'intéressant à sa vie de cinéphile et en lui racontant quelques anecdotes que j'espère divertissantes me concernant. Quand je lui tends la clé USB, je déplie aussi le papier de confidentialité qu'elle remplit et qu'elle signe volontiers. Je le reprends et le regarde : "Mais là, vous avez rempli la case vide avec votre prénom, mais votre nom, c'est quoi ?". "@x" me répond "mon nom, je ne veux pas le donner. Je travaille dans l'Administration, je ne veux pas risquer qu'il soit diffusé, je ne vous connais pas assez." Je reste bouche bée : "M... Moi non plus, je ne vous connais pas... Mais vous, vous savez mon vrai nom, vous savez que je travaille au Grand Action, il y a des informations sur moi sur internet et je suis dans l'annuaire !". "@x" me répond "oui, mais non." "Comment faites-vous avec vos employeurs au moment du contrat ?" je demande. "@x" me dit que ses employeurs la paient. "D'accord, mais vous confier les interviews qui m'ont beaucoup, beaucoup coûté d'énergie pas toujours positive à recueillir et qui mettent en jeu des personnalités reconnues du cinéma... vous vous rendez compte ?". "Oui, mais non." Elle ajoute : "Je peux vous rendre la clé USB si vous voulez." Je dis "je veux bien". Je récupère la clé USB, elle se lève et me serre la main : "Je me disais que cela allait poser un problème." Je la regarde : "si vous changez d'avis, faites-moi signe". Elle part et je pense que je ne reverrai plus jamais "@x" ailleurs que sur Twitter.

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